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Identification Ailanthus altissima

Bonjour, J'aimerais savoir à quelle plante appartient cette tige ? L'écorce des jeunes tiges est lisse et brun clair parfois orangée. Les feuilles doivent êtres grandes au vu des cicatrices de pétiole. La plante à l'air de se développer rapidement et de repartir des racines. Désolé pour la qualité des photos, il manque de lumière Si quelqu'un pouvait m'aider, merci d'avance.


Une réponse



Bonjour,



En réponse à votre demande de renseignements sur cette plante et après observation des clichés, il semblerait que cela soit un Ailanthus altissima de la famille des Simaroubacées (cf. détails ci dessous)



(Ailanthus altissima (Miller) Swingle))



Sur l’ensemble des 479 espèces végétales naturalisées en France, une proportion non négligeable est classée envahissante d’après un travail de synthèse publié en 1999 par Aboucaya. En effet, 61 d’entre-elles ont ce statut avéré (soit 12%) auxquelles on peut probablement ajouter une bonne proportion des espèces suspectées de l’acquérir (156 classées à surveiller). De plus, les végétaux inférieurs tels que les bryophytes ne sont pas encore pris en compte dans cette liste. Certaines espèces sont introduites non-intentionnellement, mais la majorité l’est dans le but d’offrir de l’originalité en matière d’ornement. Dans ce cas, outre leur caractère esthétique intéressant, elles sont aussi commercialisées du fait de leur plasticité écologique (rusticité), car c’est une caractéristique recherchée en horticulture. Par leur faculté d’adaptation à des conditions de milieux difficiles (secs, peu fertiles, ombragés…), ces plantes introduites sont ainsi capables d’envahir des milieux naturels. La forêt de France métropolitaine est concernée par au moins 16 d’entre-elles, auxquelles on pourrait ajouter des espèces qui envahissent des milieux associés que les forestiers ont en charge (falaises, étangs…).



L’Ailante1 glanduleux (Ailanthus altissima (Miller) Swingle), une espèce arborescente introduite au cours du 18e siècle est l’une de celles-ci. Cette synthèse des connaissances scientifiques acquises sur cet arbre devrait permettre d’éclairer les gestionnaires de sites naturels ou de forêts sur ses caractéristiques biologiques et écologiques et les aider à préserver la diversité originale dont ils ont la charge. Car contrairement à une idée répandue, l’Ailante n’est pas seulement l’arbre miracle capable d’agrémenter un espace dégradé par l’homme. Il peut participer à une réduction de la biodiversité. Ceci est surtout vrai en milieu insulaire (île de Montecristo notamment), mais c’est aussi le cas en milieu continental, particulièrement dans des milieux riches tels que des pelouses calcaires ou des forêts claires. L’introduction de cette espèce, qui avait pour but de donner une touche d’originalité aux paysages urbains, risque désormais de participer à une banalisation des cortèges floristiques sur de vastes étendues naturelles et à travers les frontières de différents continents.



 



DESCRIPTION DE CET ARBRE EXOTIQUE ENVAHISSANT :



L’Ailante est un arbre à feuilles caduques de la famille des Simaroubacées, pouvant atteindre 30 m de haut (Mouillefert, 1892). Le tronc est droit, l’écorce est lisse et grise. Les feuilles sont imparipennées, composées d’une foliole terminale et de 6 à 12 paires de folioles latérales faiblement dentées par 1 à 4 dents (Photo n°1) terminées par une glande noire mellifère, d’où son ancien nom A. glandulosa (Ailante glanduleux). Leur face supérieure est vert-foncé, l’inférieure plus claire, pubescente et glanduleuse. Les feuilles peuvent atteindre les dimensions impressionnantes de 0,6 à 1 m de long et même davantage dans le cas de drageons (jusqu’à 1,67 m à Berlin selon Kowarik, 2007). Les feuilles froissées et les fleurs mâles dégagent une odeur désagréable d’où l’un de ses noms communs : frêne puant, en français, arbre puant (stinking tree) en anglais, ou ch’ou ch’un pour les Chinois urbains (Hu, 1979). C’est une plante dioïque dont les inflorescences en grappes multiflores des individus femelles sont assez spectaculaires et de ce fait l’espèce se repère de loin à l’époque de la floraison. Celle-ci se déroule de mai à juillet. Les fleurs jaunes-verdâtres sont pollinisées par le vent.



Les fruits sont des samares ailées de 3 à 4 cm de long, rougeâtres, contenant une graine en leur centre. Ils apparaissent entre juillet et octobre et ils persistent généralement sur l’arbre tout l’hiver.



1 On rencontre parfois ce nom orthographié avec un h, Ailanthe mais l’origine de son nom ne le justifie pas. Selon le code de la nomenclature, le h de son nom scientifique doit par contre être préservé pour respecter le choix de son auteur, même si celui-ci n’a pas de fondement (Gauvrit et al., 2003).



 



HISTOIRE D’UN ARBRE D’ORIGINE CHINOISE :



L’espèce est originaire des régions du sud de la Chine où elle est identifiée depuis les temps préhistoriques. Son nom s’est transmis oralement avant de figurer dans les premières encyclopédies sous forme d’idéogrammes. L’un de ses noms d’origine campagnarde signifie arbre du printemps en raison de son débourrement tardif qui entérine de façon formelle l’arrivée de la belle saison. Dans la littérature chinoise, le nom de cette espèce est utilisé sous forme de deux métaphores aux sens très différents pour ne pas dire opposés. L’Ailante adulte ch’un symbolise le père de force tranquille, alors que le rejet de souche ch’un-ts’ai signifie jeune indiscipliné, dévergondé, n’obéissant à aucune obligation (Hu, 1979). Ces images ne se seraient-elles pas élaborées à partir d’observations bien pertinentes…?



L’ailante fut introduit en Europe au XVIIIe siècle par le père jésuite Pierre d’Incarville qui expédia des graines entre 1743 (premiers envois) et 1757 (année de sa mort). L’année de son introduction en France est un sujet de débat. C’est potentiellement en 1751 car des graines reçues par Bernard de Jussieu (professeur de botanique de Pierre d’Incarville) sont semées à Paris d’après Grosier (1818) et d’autres réexpédiées vers trois différents jardins en Angleterre cette même année (Hu, 1979). Mais c’est probablement un peu plus tard, car d’après Desfontaines (1809), l’introduction en France ne s’est faite qu’en 1771 à partir de l’Angleterre. Puis, sa culture comme plante ornementale s’est ensuite développée et l’espèce s’est acclimatée et s’est propagée dans presque toute l’Europe ainsi que sur le continent américain dès 1784.



Après une période de confusion avec le vernis du Japon ou « arbre à laque » (d’où son nom « faux vernis



du Japon), l’espèce est décrite et classée dans le nouveau genre « Ailanthus» créé pour l’occasion en 1786 (Desfontaines, 1809).



Le nom du genre Ailanthus provient du mot « aylanto », le nom d’un arbre (Ailanthus integrifolia) originaire des îles Moluques dans le sud est asiatique et signifiant « arbre du paradis » repris d’ailleurs par sa dénomination en anglais, «tree of heaven ». Le nom de l’espèce retenu par Swingle n’est pas glandulosa établi par Desfontaines mais celui proposé par Miller, altissima, signifiant grand par comparaison avec le véritable arbre à laque Toxicodendron vernicifluum de taille plus modeste. Notons que Desfontaines précise déjà en 1809, soit cinquante-huit ans, au plus, après son introduction, que cette espèce est « très commune dans les parcs et jardins d’agrément ». Et le fait que dans les années 1860, de nombreux individus (540 000 en 1861) sont plantés (ailanticulture) dans le but de produire de la soie, l’ailantine, à partir du cocon du papillon parasite Samia cynthia, favorise probablement son extension. Mais ce fut un échec, car les chenilles furent consommées par les oiseaux et autres prédateurs (Cachon, 2006) et cette vague de plantation fut rapidement interrompue. Elle est encore commercialisée pour l’ornement. Divers cultivars ont été sélectionnés (Kowarik, 2007).



 



QUELLE EST SA DISTRIBUTION ACTUELLE EN FRANCE ?



Aujourd’hui l’espèce est relativement abondante, surtout dans le Sud de la France . La région méditerranéenne lui semble particulièrement favorable, mais cette espèce est aussi présente dans les départements de montagne et les départements au climat continental



 



QUELS MILIEUX AFFECTIONNE CET ARBRE :



Cet arbre se rencontre fréquemment sur des sols plutôt secs de l’étage collinéen (altitude inférieure à 1000 m), mais il trouve toutefois son optimum de développement sur des sols plutôt riches en bases et en azote avec un pH neutre à légèrement acide (Rameau et al., 1989).



 



Il se rencontre :



- soit en milieux naturels tels que les ripisylves, trouées forestières, forêts claires et sèches (garrigues) et les pelouses, - soit en milieu anthropisé tels que friches industrielles, terrains vagues, etc., d’où elle peut ensuite se propager dans les milieux naturels environnants.



Cette espèce peut néanmoins supporter les sols à pH inférieur à 4,1 et elle était utilisée au Etats-Unis pour revégétaliser les carreaux et les terrils de mines acides (Plass, 1975 in Hoshovsky, 1988). Elle est par contre assez indifférente vis-à-vis des réserves en eau du sol. L’Ailante peut être qualifié de xérophile à mésohygrophile. Par sa faculté à économiser l’eau en limitant l’évaporation par les feuilles et la conductance dans ses racines, les jeunes Ailantes sont capables de survivre à une sécheresse (Trifilo et al. 2004). Cette espèce peut également supporter des canicules (+ 40 °C) d’après Kowarik (2007).



L’Ailante est classiquement décrite comme une espèce pionnière, profitant des catastrophes naturelles en forêt (tempêtes, insectes défoliateurs, etc.) pour proliférer. Elle a du mal à entrer efficacement en compétition dans une forêt présentant une canopée dense, d’après Kowarik (1983 et 1995). En fait, c’est une plante considérée probablement à tort comme héliophile. Knapp et al. (2000)ont mis en évidence sa capacité invasive dans des trouées ne bénéficiant que d’un faible éclairement. La croissance de cette espèce est encore possible à de faibles niveaux d’éclairement (2 à 15 %) et seule la densité des drageons est réduite. Pour ces auteurs, l’Ailante pourrait avoir une stratégie de régénération basée sur l’existence de juvéniles persistants profitant de la moindre trouée, comme dans le cas de chablis, pour grandir et atteindre la canopée. Cette espèce classiquement décrite comme étant intolérante à l’ombrage ne l’est donc pas tant que cela. Ces juvéniles persistants correspondent non pas à des semis qui disparaissent rapidement lorsque le sous-bois s’obscurcit, mais à des drageons ou rejets de souches qui sont alimentés par les organes souterrains de la plante mère et qui attendent le bon moment pour grandir (Kowarik, 1995).



Enfin, Ailanthus altissima n’apparaît pas comme une espèce transitoire : les peuplements installés s’auto-entretiennent, ne sont pas colonisés par d’autres espèces ligneuses appartenant à des stades évolutifs ultérieurs et restent donc pratiquement purs (Clair-Maczulajtys, 1985). Elle est d’ailleurs désormais considérée comme invasive forestière aux États-Unis (Webster, 2006).



L’Ailante est légèrement thermophile (Rameau et al., 1989). Cet arbre est sensible au froid, les premières années. Mais il a toutefois été noté que des plants âgés de 6 ans pouvaient supporter des froids importants, jusqu’à – 33 °C (Zelenin, 1976 i n Hoshovsky, 1988). Elle est aussi tolérante à la salinité (Kowarik, 2007) et à la pollution atmosphérique, d’où son usage en tant qu’arbre d’ornement en ville. L’Ailante est par contre très sensible à l’ozone, ce qui en fait un bon modèle pour l’étude de ce type de pollution (Gravano et al., 2003).



 



UN VÉGÉTAL PERFORMANT POUR SA REPRODUCTION…:



La formation des peuplements d’Ailante est basée sur une double stratégie de reproduction : par la voie des semis et par drageonnement. Cet arbre est capable de produire des graines viables dès l’âge de 3 à 5 ans (Kowarik, 2007) et en très grande quantité (de 14 000 à 325 000 par semencier d’après Clair-Maczulajtys (1985). Les fruits sont parfaitement adaptés à l’anémochorie (0,3 g pour environ 3 cm de long d’après Young, 1992). La samare possède une extrémité plus où moins torsadée qui influence la trajectoire suivie lors de sa chute. Le parcours suivi peut être presque vertical, hélicoïdal, en spirale ou en pente douce rectiligne lorsque l’extrémité du fruit n’est pas torsadée. C’est dans ce dernier cas que la distance de dissémination est la plus grande (jusqu’à 70m). Mais lors de tempêtes ou en présence de sols lisses tels qu’en ville, la distance de dissémination peut atteindre plusieurs centaines de mètres. L’hydrochorie ou la zoochorie sont aussi des modes de dissémination pour l’Ailante (Kowarik, 2007). Le fait que les samares se détachent de l’arbre sur une période étalée de novembre à mai accroît leurs chances de survie en limitant les risques de pourrissement au sol par exemple (Bory et al., 1980). Leur prédation est très faible en raison de l’effet répulsif d’un composé, l’ailanthone, produit par la plante (Clair-Maczulajtys, 1985). Par contre, la durée de vie des graines d’Ailante dans la nature ne semble pas importante, de l’ordre d’un an (Krüssman et al. 1981, in Kowarik, 1995) et de 3 à 5 ans en conditions contrôlées (Cachon, 2006). La germination nécessite une température supérieure à 15 °C et le taux de ge rmination peut être élevé dans certains cas (jusqu’à 98 %). Il est favorisé par un fort niveau d’éclairement d’après Kowarik (2007). Le maintien des plantules dans des habitats labiles, comme les éboulis et les décombres, pourrait s’expliquer par leurs potentialités organogènes qui permettent l’enracinement de l’hypocotyle. Cet organe peut aussi développer des bourgeons adventifs très actifs (Clair-Maczulajtys, 1985).



 



…MAIS AUSSI POUR SA CROISSANCE ET SONT DÉVELOPPEMENT



Les jeunes individus possèdent un certain nombre de particularités biologiques qui, ensemble, concourent à leur réussite dans la nature (Clair-Maczulajtys, 1985). Le système racinaire est double avec tout d’abord un pivot qui permet d’aller chercher rapidement de l’eau en profondeur et par la suite des racines plagiotropes qui permettent un bon ancrage dans le substrat et une bonne colonisation latérale (jusqu’à 45 m en terrain favorable d’après Kowarik, 2007). Le pivot est le principal organe de stockage de l’amidon pour les jeunes plants, mettant ainsi la plante à l’abri d’une perte de ses réserves par la coupe de la tige. Le collet quant à lui est caractérisé par sa grande richesse en sucres solubles totaux qui peut être mis en relation avec son grand pouvoir organogène. Une forte sécheresse estivale peut provoquer la chute du bourgeon terminal et la défoliation de la tige, mettant ainsi la plante à l’abri. Les jeunes plants d’Ailante sont capables de résister à la sécheresse en mettant en oeuvre des mécanismes physiologiques évitant les pertes (Trifilo et al., 2004). Le recépage des jeunes plants stimule l’activité du système racinaire et entraîne la production de bourgeons adventifs et de nombreux rejets présentant alors une croissance prolongée. La population peut ainsi être multipliée par 34 en un an. Les longues racines plagiotropes sont capables de produire de nombreux drageons (capacité liée aux stocks d’amidon de la racine). Un fragment de 22 cm émet un drageon dans près de 70 % des cas d’après Kowarik (2007) et des exemples ont été observés pour des fragments d’un centimètre seulement. La séparation du drageon de la racine-mère se produit par un phénomène d’auto-amputation mais un lien persiste avec l’arbre mère par l’intermédiaire de racines superficielles. Les drageons isolés développent à leur tour des pousses racinaires et ainsi des « peuplements-fils ».



L’Ailante est une espèce à croissance exceptionnellement rapide, jusqu’à 4 m par an pour la tige (Miller, 1990) et 1,2 m/an pour les racines plagiotropes porteuses de drageons. Un semis peut atteindre 40 à 50 cm la première année (Cachon, 2006). Cette capacité de produire rapidement de la biomasse a intéressé les industriels de la filière bois. Les peuplements adultes d’Ailante sont souvent purs et fermés. Le feuillage, par son importance contribue largement à cette fermeture qui freine l’installation des autres espèces.



 



AUTRES PARTICULARITÉS DE SA BIOLOGIE :



Les propriétés allélopathiques du feuillage et surtout de l’écorce et des racines (effet 20 fois supérieur), par la production d’ailanthone, contribuent très certainement au maintien de peuplements purs (Heisey, 1996 ; Lawrence et al., 1991 ; Heisey et Heisey, 2003). D’autres molécules sont probablement mises en jeu dans cette faculté allélopathique (Tsao et al., 2002). Malgré tout, la dégradation par la microflore du sol des molécules responsables de cette phytotoxicité semble très rapide (quelques jours). L’intensité de cette allélopathie varie avec l’âge des individus, elle est plus forte chez de jeunes plants, et avec le stress la production de phytotoxines est stimulée par de légères perturbations des individus (Greer et al., 2005). L’appétence de cette espèce est faible, ce qui limite sa consommation par les herbivores (Pardé, 1906). Le débourrement intervient tardivement au printemps, ce qui garantit l’espèce contre l’effet négatif des gelées tardives (Hu, 1979). L’importance du système racinaire est également un facteur contribuant à la quasi-monospécificité des peuplements, de par le pouvoir concurrentiel qu’il induit. Par contre, la longévité de l’arbre en tant que tel est assez réduite, une cinquantaine d’années selon Cachon (2006) quoique certains auteurs évoquent jusqu’à 130 ans en Allemagne. Mais comme le fait remarquer Kowarik (2007), sa reproduction végétative le rend en quelque sorte très longévif, le premier individu introduit aux États- Unis en 1784 étant toujours présent grâce à ses drageons.



 



LES UTILISATIONS DE L’AILANTE



Son bois est utilisable pour le feu, sa combustion donne une flamme claire, produit des braises et peu de cendres. Les jeunes arbres dont le bois est fragile sont utilisables en papeterie alors que les plus âgés le sont également comme bois d’oeuvre (menuiserie, placage et ébénisterie). La médecine chinoise utilise l’écorce, les fruits ou les racines pour le traitement de différentes affections (maladie nerveuses, dysenterie…). Les feuilles ont été utilisées pour la production de soie à partir des cocons d’une larve de papillon parasite, le bombyx de l’Ailante Samia cynthia. Enfin, un miel au goût musqué…peut être produit (Hu, 1979). Dans le domaine de la médecine, l’ailanthone a prouvé son efficacité entre autres comme traitement anti-paludéen ou antiulcéreux. Pour le domaine phytosanitaire, cette molécule démontre des propriétés herbicides et insecticides (De Feo et al., 2009), mais sa toxicité semble trop grande pour de telles applications. Sa toxicité est du même ordre de grandeur que celle de molécules herbicides synthétiques homologuées si l’on s’en tient aux valeurs disponibles concernant le rat (DL50 = 31,4 mg/kg en intra-péritonéal) d’après Tada et al., (1991). Mais elle est beaucoup plus toxique qu’un herbicide classique sur la souris blanche (DL50 = 9,8 ou 9 mg/kg administrée par voie orale) si l’on s’en tient aux valeurs publiées par De Carneri et al (1968) ou Sudret (1994). Ce dernier auteur considère que cette molécule ne sera de ce fait pas utilisable en tant qu’anti-paludéen malgré son efficacité. Cette espèce, de par sa capacité d’adaptation à des milieux difficiles, s’est avérée très intéressante pour des plantations en zones polluées et sur des substrats peu fertiles (terrils, talus caillouteux…) où bien d’autres espèces ne survivraient pas.



 



LES IMPACTS DE SON INVASION



ÉCOLOGIQUE



Cette espèce concurrence fortement les peuplements autochtones et contribue à leur disparition, surtout dans les écosystèmes xériques (Kowarik, 1983 ; Trifilo et al., 2004.). Son niveau d’interférence2 est d’intensité intermédiaire par rapport à d’autres espèces invasives. L’Ailante provoque la disparition de 23 % des espèces végétales dans des sites où il domine en milieu insulaire méditerranéen (Vilà et al., 2006). Un chiffre proche correspondant à une perte de 21 % est obtenu par Dumas (2006) pour les forêts françaises d’après les données de l’IFN. Mais ce dernier chiffre n’est pas significatif en raison probablement du manque de données collectées à ce jour sur cette espèce, du niveau de recouvrement mesuré demeurant modeste (exceptionnellement supérieur à 50 %) qui plus est dans des conditions de milieux très variables. Les thérophytes (plantes passant la saison hivernale sous forme de graines) sont les plus touchées en région méditerranéenne, les auteurs de l’article suspectant un effet anti-germinatif des substances allélopathiques libérées par cette espèce (Vilà et al., 2006). Néanmoins, un effet allélopathique est aussi décelé sur de nombreuses espèces arborescentes (Mergen, 1959). Une sélection génétique des plantes résistantes aux molécules toxiques semble s’opérer dans la nature à proximité des Ailantes. Les individus ainsi sélectionnés sont eux-mêmes allélopathiques vis-à-vis d’autres espèces (Lawrence et al., 1991). Aux États-Unis, l’Ailante est considérée comme l’une des 10 espèces les plus embarrassantes, notamment dans les ripisylves (USDA Forest Service, 2008).



En Suisse l’espèce figure sur la liste noire de la commission suisse pour la conservation des plantes sauvages (CPS, 2008), en raison du fait qu’elle se répand au détriment d'espèces indigènes. En Serbie, elle est considérée comme l’exemple le plus alarmant du fait de l’envahissement rapide de milieux naturels tels que les gorges et canyons (Vasic, 2005). En Franche-Comté, l’Ailante est considéré comme une espèce envahissante (Ferrez, 2004).



La présence de cette espèce modifie les caractéristiques chimiques du sol de la station dans laquelle elle prospère. Le taux d’azote (N) dans le sol augmente davantage que celui du carbone (C). Ainsi, le rapport C/N décroît et le pH augmente, ce qui caractérise un sol d’une meilleure fertilité (Vilà et al., 2006).



 



ECONOMIQUE



L’Ailante pourrait, comme aux États-Unis, concurrencer la régénération forestière, en particulier dans les forêts périurbaines. Les racines de l’Ailante causent également de nombreux dégâts aux routes, aux immeubles et aux fondations (Hu, 1979).



 



SANITAIRE



Le pollen de l’Ailante semble provoquer certaines réactions allergiques et la sève peut être la cause de dermatites (Derrick et Darley, 1994). Hu (1979) cite également quelques cas d’allergies, mais il s’agit peut-être de confusions de cette espèce avec des sumacs.



 



COMMENT CONTRÔLER L’AILANTE ?



À notre connaissance, aucune expérience menée en France n’a donné lieu à la publication d’un compte rendu circonstancié. Une synthèse des méthodes de contrôle a été publiée aux États-Unis où l’espèce pose de nombreux problèmes (Hoshovsky, 1988), les données ci-dessous sont en grande partie issues de ce travail.



2 L’interférence est la somme des effets inhibiteurs produits par une espèce végétale sur les espèces voisines. Elle regroupe différentes formes que sont la concurrence pour l’eau, la lumière et les éléments minéraux, l’allélopathie ou des effets mécaniques (Dumas, 2006).



 



A. PRÉCAUTIONS



L’écorce et les feuilles pouvant provoquer des irritations allergiques, il est préférable que les manipulations de l’Ailante glanduleux se fassent avec des gants.



Tous les débris végétaux d’Ailante devront être brûlés et non compostés et encore moins laissés simplement en l’état, de façon à ne pas favoriser la dissémination des graines ou la reproduction végétative à partir de fragments de racines.



 



B. MÉTHODES PHYSIQUES



 



Arrachage



Les germinations de l’année et les jeunes individus peuvent être facilement arrachés après une période de pluie, de préférence fin juin. Attention à bien prélever la plupart du système racinaire pour éviter la repousse. Il faut intervenir si possible avant le développement des racines latérales (pour ce faire, la phénologie de la croissance et du développement racinaire reste toutefois largement à préciser). Une méthodologie douce et peu onéreuse peut être utilisée, il s’agit de la méthode de Bradley (Fuller & Barde, 1985). Elle consiste en l’élimination de l’Ailante, ou d’autres invasives, dans des zones sélectionnées suivant une séquence spécifique, en démarrant par les secteurs les moins infestés (les habitats en bon état de conservation) et en terminant par les plus mauvais secteurs. L’idée sous-jacente est de permettre la régénération des communautés végétales autochtones garantes par la suite d’une plus grande stabilité de l’habitat et rendant ainsi plus difficile l’installation de l’Ailante. L’intérêt est aussi économique car avec cette méthode, une même somme investie permet de lutter sur des surfaces bien plus importantes (Brondeau et al., 2007).



 



Coupe et débroussaillage



Ce type d’action est un élément important et souvent un premier pas dans une stratégie globale de lutte contre l’Ailante. La coupe est par contre très peu efficace voire contre-productive si elle est réalisée sans suivi : les repousses nombreuses qui apparaîtront alors entraîneront une situation pire que la précédente. En effet, le couvert risque d’être plus dense et la libération de molécules allélopathiques plus intense.



 



Cerclage



Il s’agit de détruire l’écorce et les tissus du cambium tout autour de la tige. La période la plus favorable est la fin du printemps, lorsque la plante a puisé dans ses réserves pour élaborer son feuillage et avant qu’elle n’en ait photosynthétisé de nouvelles. Certaines espèces, dont l’Ailante, produisent cependant un certain nombre de rejets juste en dessous du cerclage, il convient alors d’accompagner le cerclage d’un traitement à l’herbicide. La technique semble plus efficace sur les arbres âgés. Il est indispensable d’agir à la base du tronc, dans la région du collet qui possède un grand pouvoir organogène.



 



Feu



Il est possible de brûler à l’aide d’un engin adapté (lampe à souder) la base des troncs de jeunes individus. Néanmoins des repousses sont régulièrement observées après coup et plusieurs passages sont nécessaires là aussi. La technique du brûlis à l’échelle de la parcelle n’est pas du tout souhaitable. L’appareil racinaire étant à l’abri du feu, il est probable que de très nombreuses repousses seraient produites après une telle action. En outre, le risque pour la biodiversité en milieu sensible fait que cette technique n’est pas recommandable.



 



C. MÉTHODES BIOLOGIQUES



Pâturage :



Il est surtout efficace sur les jeunes individus mais l’appétence de l’Ailante n’est pas bonne pour les ongulés en raison notamment des nombreux composés amers que l’on rencontre dans l’écorce et les feuilles. Le pâturage ne semble donc pas une mesure de gestion appropriée au contrôle de l’espèce, même si des exemples d’abroutissement s’observent localement, notamment en période de sécheresse.



Lutte biologique :



La consommation par les animaux sauvages et encore largement inconnue, seuls quelques insectes mangent les feuilles et les tiges de l’Ailante ; leur utilisation à des fins de lutte biologique n’est pour l’instant pas envisageable dans la mesure où aucune expérience n’a été réalisée. Il est d’ailleurs probable que des animaux introduits pour lutter contre l’Ailante préfèrent consommer d’autres espèces plus appétantes. L’Ailante semble également bien résister à des maladies cryptogamiques (Heisey, 1997).



Compétition :



Les caractéristiques physiologiques de l’Ailante et en particulier sa vitesse de croissance font qu’il n’est pas envisageable de compter sur son élimination par une compétition avec d’autres espèces autochtones. Celles-ci pourront toutefois réduire efficacement sa croissance et tout traitement devrait avoir pour objectif d’épargner autant que possible les espèces voisines.



 



D. MÉTHODES CHIMIQUES (HERBICIDES)



L’avantage de ces méthodes est qu’elles vont atteindre les racines, pour peu que l’on utilise un herbicide systémique (Burch et Zedaker, 2003 ; Gover et al., 2004 ; Dumas et Gama, 1998). La meilleure époque de traitement est la pleine période de croissance, lorsque les feuilles sont totalement étalées et qu’elles synthétisent de nombreux composés qui sont entreposés dans les racines. Cette période s’étale de mi-juin à mi-août. Les différents herbicides susceptibles d’être utilisés ont comme substances actives le glyphosate, le sulfosate ou le triclopyr (Gama, 2006).



Méthodes d’application :



Dans une réserve naturelle, la pulvérisation sur les parties aériennes est à proscrire dans la mesure où elle est susceptible d’avoir un impact important sur de nombreuses autres plantes autochtones et potentiellement patrimoniales. En cas de phytotoxicité chez ces espèces, une nouvelle infestation par l’Ailante sera encore plus facile.



Une application d’herbicide peut être réalisée sur la souche hors période de végétation. Il est préférable de traiter tout de suite après la coupe dans la mesure où les souches seront moins visibles quelques temps après. Ce mode de traitement limite l’apparition des rejets de souche mais ne gène pas suffisamment la production de drageons (le volume d’intrant étant trop faible pour intoxiquer le système racinaire). D’autres traitements seront donc à réaliser par la suite en direction de ceux-ci. Toute utilisation de produit herbicide, doit se faire en conformité avec la législation. Pour la forêt on consultera les tableaux édités par l’équipe MGVF de l’INRA de Champenoux.



Texte écrit par



Pascal COLLIN



Directeur du conservatoire régional des espaces naturels de Franche-Comté



CONCLUSION



 



L’Ailante possède d’innombrables facultés biologiques lui permettant d’interférer sur la croissance et la survie d’autres espèces. Son impact écologique en milieu sensible où des espèces patrimoniales pourraient disparaitre du fait de sa présence, impose aux gestionnaires de tels sites d’intervenir pour en contrôler son développement. Ses propriétés biologiques lui permettent également de se développer en milieu hostile tel que les zones urbanisées. Là encore, son contrôle est parfois nécessaire afin d’éviter des dégradations aux constructions. Enfin, en forêt cette espèce se développe préférentiellement dans des peuplements clairs mais il est désormais prouvé, notamment aux Etats- Unis, que l’Ailante est capable de coloniser les sous-bois sombres. Il est donc important dans ce cas également de veiller à son extension, a fortiori dans un contexte de changements globaux dont on ignore encore l’influence sur le développement des espèces invasives et en particulier de celle-ci. Mais cette espèce est difficile à contrôler une fois qu’elle est installée. La meilleure arme est la prévention qui peut s’exercer à plusieurs niveaux :



 



- en maintenant des habitats naturels en bon état de conservation ; - en surveillant régulièrement les habitats susceptibles de se comporter comme des « donneurs » (talus routiers, abords de voies ferrées, friches industrielles, zones endiguées des cours d’eau, etc.) ; - en interdisant la commercialisation de telles plantes envahissantes afin de ne pas entraîner de coût à la fois écologique et économique. Une liste d’espèces interdites à la vente est publiée à ce sujet mais l’Ailante n’en fait pas partie. Cette espèce figure même en bonne place dans les catalogues de graines et plants commercialisés ! Des démarches locales peuvent toutefois être développées. C’est le cas dans le sud de la France ou le dialogue s’est ouvert entre l’Agence Méditerranéenne de l’Environnement (AME) et les professionnels de l’horticulture. Des essences de substitutions à celle-ci en tant qu’arbre de ville peuvent être proposées telles que Cedrela sinensis, bien que drageonnante également (Lieutaghi, 2004).



Un système de suivi européen serait utile pour évaluer la progression des espèces invasives. Le maillage des réseaux de placettes permanentes actuellement disponibles (RENECOFOR, IFN) permet de confirmer leur présence dans les régions où leur fréquence est déjà non négligeable. Mais la densité de placettes de tels réseaux est trop faible pour évaluer la répartition exacte et la progression de telles espèces.



Résumé :



L’Ailante glanduleux (Ailanthus altissima (MILLER) SWINGLE) est un arbre d’origine chinoise introduit en France durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Il fut au départ planté en ville dans les espaces verts, puis fut l’objet d’une phase de plantation courte mais intensive dans l’objectif de produire de la soie. Il est aujourd’hui très répandu dans le milieu naturel et manifeste localement un comportement envahissant, notamment dans des forêts claires ou des pelouses. L’herbicide naturel et le nombre très élevé de fruits qu’il produit, mais aussi sa croissance rapide et sa faculté de reproduction végétative sous forme de drageons ou de rejets sont des caractéristiques biologiques essentielles pour permettre d’expliquer son caractère envahissant. Cet arbre offre des atouts variés mais le risque d’érosion de la biodiversité qu’il occasionne est à l’origine de recherche de méthodes pour son contrôle. Il serait sage de ne plus le planter et de surveiller sa répartition.



Bases scientifiquesEcologie, habitats et biodiversité